Une Global Task Force on Cholera Control (GTFCC) pour réduire la mortalité liée au choléra

Initiée en 1992, la Global Task Force on Cholera Control (GTFCC) de l'OMS vise à réduire la mortalité liée au choléra à travers le monde. Relancée en 2014, elle donne lieu à des réunions régulières d'experts, réunis en cinq groupes de travail thématiques. Celui du WASH, animé par Thierry Vandevelde, traite des aspects environnementaux de la lutte contre la pandémie du choléra.
 

La GTFCC en 14 questions/réponses :

Pourquoi la Global Task Force on Cholera Control (GTFCC) ?

L’histoire est ponctuée de grandes pandémies de choléra. Des études génétiques ont démontré que les origines de ces pandémies bifurquent vers le golfe du Bengale : elles ont donc commencé en Asie. Dans les années 60, la septième pandémie de l’histoire commence en Indonésie. Cette nouvelle vague se déploie en Amérique latine en 1992 : la GTFCC est alors conçue pour prévenir et contrôler l’épidémie. Contre une maladie qui est un enjeu de santé publique important, réunir un groupe d’experts pour définir les priorités et les moyens de lutte est une procédure habituelle de l’OMS.

En 1998, le choléra disparaît d’Amérique latine et ne devient plus qu’un sujet de préoccupation africain dans les années 2000. La GTFCC tombe dans l’oubli.

La fondation Veolia a commencé à travailler sur la prévention du choléra en Afrique au début des années 2000. De 2000 à 2010, plus de 90 % des cas se situent en Afrique, dont les 4/5e en République démocratique du Congo (RDC). Des experts s’y réunissent pour lutter contre la maladie, mais plus au niveau mondial.

C’est la virulente épidémie en Haïti, dans le contexte du tremblement de terre de 2010, qui déclenche la volonté de revitaliser la GTFCC. Le nombre de cas en Haïti a été très élevé : 700 000 entre 2010 et 2013[1].

 
[1] Les chiffres du choléra sont complexes : en 2014, 190 549 cas de choléra ont été déclarés à l’OMS et on estime de 1,3 à 4 millions le nombre de cas dans le monde avec 21 000 à 143 000 morts chaque année.

Quelle est la mission de la Global Task Force ?

  • Ses membres partagent la certitude que l’action collective peut arrêter la transmission du choléra et l’éliminer comme cause de mortalité.
  • La GTFCC soutient le déploiement de stratégies multisectorielles pour contrôler la maladie. Atteindre cet objectif exige une collaboration renforcée entre les pays et les diverses parties prenantes impliquées dans la maîtrise de la maladie.
  • Les activités de la GTFCC permettent d’accroître la visibilité du choléra comme enjeu de santé publique, facilitent le partage des meilleures pratiques et contribuent au développement des moyens et ressources de lutte dans toutes les zones à risque.

Quels acteurs pour remplir ces missions ?

La Task Force rassemble des acteurs opérationnels, institutionnels et des chercheurs dans tous les domaines concernant le choléra : la surveillance et l’accès à l’eau, la prise en charge médicale des malades, l’hygiène, l’assainissement et la vaccination pour prévenir et contrôler l’épidémie, la communication et le plaidoyer pour délivrer les messages efficaces.

Réunir opérationnels, institutionnels et chercheurs est une spécificité de ce type de groupe et permet une fertilisation croisée des compétences. Les opérationnels se heurtent à des problèmes concrets et ont besoin des chercheurs pour y répondre ; les chercheurs travaillent sur certains sujets en lien avec les opérationnels qui leur fournissent des données de terrain : acteurs de l’humanitaire et de la recherche travaillent ensemble, avec les institutionnels et bailleurs de fonds.

Comment est organisée la GTFCC ?

Les activités de la GTFFC couvrent cinq domaines :

  • L’épidémiologie et la surveillance : étude de la dissémination de la maladie, identification et classification de ses zones de persistance ;
  • La vaccination : OCV (Oral cholera vaccination) ;
  • La prise en charge médicale : les soins ;
  • L’approche multifactorielle WASH : Water, Sanitation and Hygiene ;
  • La recherche de fonds et le plaidoyer.

Les travaux des différents groupes permettront à la GTFCC de concevoir et promouvoir un programme de contrôle global du choléra par des actions de prévention proposées aux gouvernements.

L’organisation de la GTFCC se veut très flexible. Chaque groupe de travail a son propre fonctionnement.

Chaque année, une réunion de tous les membres établit le bilan des travaux. En 2015, elle a eu lieu les 15 et 16 juin à Genève, siège social de l’OMS. Les différents groupes se réunissent entre ces rassemblements annuels. Il est prévu une période de 3 ans, commencée en juin 2014, pour revitaliser la Global Task Force.

Qu’est-ce que l’approche épidémiologique ?

C’est l’étude de l’histoire et de la dissémination de la maladie, autrement dit le ciblage des interventions basée sur la connaissance de la dynamique de transmission. L’Europe a été très fortement touchée par le choléra jusqu’au XIXe siècle. En 1854, Londres subissait une épidémie. Le Dr John Snow a étudié sa propagation dans la ville (on ne connaissait pas encore le vibrion à l’origine de la maladie). John Snow avait conclu que les gens malades étaient tous allés chercher l’eau à la pompe de Broad Street, dans le district de Soho : ce fut la première compréhension épidémiologique. La construction des égouts de Londres, commencée en 1858, a fait disparaître le choléra de la capitale. En Europe et en Amérique du Nord, la démarche WASH (eau, assainissement et hygiène) a donc prouvé son efficacité sur le long terme.

L’approche épidémiologique au Congo : agir dans les zones de persistance

L’épidémiologie est la base de la stratégie de la fondation Veolia au Congo : en analysant la dynamique de propagation des épidémies[1], on est à même de lutter contre elles. En étudiant l’histoire du choléra sur 10 à 15 ans, on détermine des lieux où, même en dehors de périodes épidémiques, le choléra se rétracte (hot spots ou zones de persistance), avant de repartir dans d’autres zones. Les interventions en hygiène et assainissement doivent être ciblées sur ces hot spots pour éliminer les vecteurs de propagation. Nous croyons que la maladie peut aussi être éradiquée de ces zones-là.

Il ne faut pas oublier qu’avant 1970, le choléra n’existait pas en Afrique. Il y a été importé depuis l’Asie. En RDC, le pays le plus affecté au monde, les premiers cas sont apparus en 1973 et sont très bien documentés. Les études épidémiologiques ont montré que 3 provinces sont touchées, où se situe le cœur de l’épidémie : le Nord Kivu, le Sud Kivu et le Katanga. Même au Katanga, le choléra est persistant dans quelques hot spots, la diffusion n’est pas massive. Les personnes qui vivent au bord d’un lac en RDC ont 7,5 fois plus de chances d’être touchées par la maladie. Les autres facteurs aggravants sont les ports, les routes et les gares. Kalemie est la capitale mondiale du choléra car elle cumule tous ces inconvénients : le risque de contamination y est multiplié par 25. De plus en plus de données permettent de créer une sorte d’archéologie du choléra. Kalemie, au Katanga, et Uvira, au Sud Kivu, toutes deux au bord du lac Tanganyika, sont les foyers principaux et permanents. Dans des zones plus éloignées peuvent survenir des flambées épidémiques : ce sont des foyers secondaires non persistants.

La fondation Veolia agit dans ces deux villes. Sa stratégie est de comprendre, au sein d’une ville, d’où se diffuse la maladie. La solution peut venir d’un meilleur accès à l’eau dans certains points, de l’assainissement dans d’autres. Par exemple, une étude menée sur Uvira a démontré l’influence des interruptions du service de l’eau sur le risque de contamination par le choléra[2].Après avoir mené (2010-2012) un programme d’urgence pour apporter une première réponse à la situation, la Fondation s’est engagée dans un programme de plus long terme, pour apporter une réponse durable à la situation.

 
[1] Ce qu’a fait le Dr. Didier Bompangue dans une étude réalisée en 2007 et soutenue par la Fondation : Bompangue, D., Giraudoux, P., Handschumacher, P., Piarroux, M., Sudre, B., Ekwanzala, M., Kebela, I., Piarroux, R., 2008. Lakes as source of cholera outbreaks, Democratic Republic of Congo. Emerg. Infect. Dis. 14, 798.
[2] Jeandron, A., Saidi, J.M., Kapama, A., Burhole, M., Birembano, F., Vandevelde, T., Gasparrini, A., Armstrong, B., Cairncross, S., Ensink, J.H.J., 2015. Water Supply Interruptions and Suspected Cholera Incidence: A Time-Series Regression in the Democratic Republic of the Congo. PLOS Med. 12, e1001893. doi:10.1371/journal.pmed.1001893

De la RDC à la stratégie mondiale

En 2007, la fondation Veolia a soutenu le premier plan stratégique d’élimination du choléra en RDC. Les directives nationales ont mis en avant sept zones sources. Les résultats obtenus en RDC sont à l’origine de la stratégie régionale développée sur toute l’Afrique de l’Ouest.

Cet historique et cette méthodologie développée en RDC sont à l’origine du choix par l’OMS du Dr. Thierry Vandevelde, Délégué général de la fondation Veolia, pour présider la Global Task Force.

La prise en charge médicale du choléra : quelle efficacité et quel coût ?

On meurt peu du choléra si la prise en charge des patients se fait rapidement, notamment grâce à la prise de Solution de réhydratation orale (SRO). Grâce à des réponses d’extrême d’urgence prises dès le déclenchement d’une épidémie, la mortalité tombe à 1 %. Mais pour y parvenir, comme en RDC, le coût de préparation aux épidémies est très élevé. Les comportements et l’environnement porteurs du choléra sont aussi à l’origine d’autres maladies : typhoïde, diarrhées… toutes maladies liées à l’eau et l’hygiène. D’autres réponses que celles d’extrême urgence existent et sont à développer : on peut agir sur l’eau, l’hygiène et l’assainissement pour une prévention à long terme.

Quel est l’impact de la vaccination ?

La GTFCC promeut une approche multisectorielle du choléra, dans la lignée de l'Assemblée mondiale de la santé. Celle-ci a qualifié de "complémentaire" la vaccination qui n'a pas vocation à se substituer à une prévention de la maladie basée sur un accès à l'eau potable, à l'assainissement et à l'hygiène. La démarche WASH permet de se projeter au-delà de la seule élimination du choléra : là où les vaccins affichent une efficacité limitée contre une maladie[1], la démarche WASH participe à l'amélioration des conditions de vie des populations.

 
[1] Une étude menée au Bengaldesh, dans une région rurale où le choléra est endémique, a montré que seulement 62 % de la population est encore protégée un an après avoir été vaccinée.

Quels sont les axes de travail du groupe WASH ?

L’approche WASH couvre l’eau, l’hygiène, l’assainissement, ainsi que la gestion des déchets et le contrôle des vecteurs de transmission du choléra.

L’OMS a demandé au Dr. Vandevelde de constituer le groupe WASH : 40 experts ont été choisis pour leurs compétences reconnues en hygiène et assainissement. Ils proviennent des grandes organisations internationales (Unicef, OMS, Croix-Rouge…), d’ONG (Médecins sans frontières, Action contre la Faim…), d’universités, d’acteurs institutionnels et fondations privées.

Le groupe WASH s’est donné quatre thématiques de travail, constituées en sous-groupes :

  • Les aspects stratégiques : identifier la spécificité des interventions WASH dans divers contextes comme les réponses d’urgence, la prévention ou conjointement à une campagne de vaccination ; leader du groupe : Didier Bompangue (université de Kinshasa, RDC) ;
  • Les aspects économiques : déterminer une méthodologie d’investissement pour les interventions WASH et la déployer ; leader : Dale Whittington (université de Caroline du Nord, USA) ;
  • Les aspects techniques : formuler des recommandations pour implémenter localement les pratiques WASH nécessaires pour contrôler le choléra ; leader : Daniele Lantagne (Tufts University, USA) ;
  • La communication et le funding : préciser les aspects matériels et budgétaires et convaincre de la nécessité de l’approche WASH dans les zones à haut  risque ; leader : John Oldfileld (USA).

Première réunion du groupe WASH à New York : 20 sujets prioritaires définis

Vingt-sept personnes étaient présentes à cette première réunion à New York, les 4 et 5 mai 2015, sous la présidence de Thierry Vandevelde. Les experts des sous-groupes ont choisi leurs thèmes d’actions prioritaires et se sont engagés sur un planning de travail pour les 18 prochains mois. Vingt sujets ont été définis pour les quatre sous-groupes.
Parmi ces 20 sujets :

  • Aspects stratégiques : rédiger une publication scientifique de référence qui explique l’approche WASH. L’équipe de rédaction est composée de 5 à 6 personnes qui représentent le groupe Stratégie.
  • Aspects techniques : la désinfection des domiciles est un sujet historique pour les acteurs humanitaires de la lutte contre le choléra. La coutume est de pulvériser du chlore dans les maisons des personnes contaminées pour éviter la transmission. Depuis l’épidémie en Haïti, les experts considèrent la pulvérisation inutile mais se divisent sur la désinfection : nettoyer le domicile limite-t-il la transmission ou non ? Des chercheurs doivent analyser les données disponibles pour répondre et trancher. Au cours de ses interventions, la fondation Veolia rassemble beaucoup de données qui permettent d’étudier comment les cas se disséminent dans une ville (données recueillies par GPS…) : nous sommes à l’ère du big data qui représente une mine d’informations pour les chercheurs. Une étudiante de la London School of Hygiene and Tropical Medicine a réalisé une étude sur la désinfection des maisons d’août à octobre 2015, et un programme de recherche opérationnel est en cours de définition avec l’UNICEF.
  • Sur les aspects économiques : un sujet prioritaire est l’analyse des coûts/bénéfices et coûts/efficacité des différents moyens de lutte contre le choléra : WASH, vaccination et prise en charge locale médicale des cas. Ces 3 aspects sont réellement intégrés sur le terrain, ainsi que la vaccination. Au Congo, quand une épidémie se déclare, on monte un centre d’appels d’urgence que contactent les habitants. L’épidémiologiste enregistre le cas. Il envoie une équipe eau, hygiène et assainissement qui va chercher le malade et désinfecte le domicile, éventuellement prend des mesures dans le quartier. Puis le malade est pris en charge médicalement dans le centre de soins ; les informations le concernant sont ensuite redonnées à l’épidémiologiste, qui en conclut le mode de diffusion de l’épidémie pour poser des actes de prévention. Il est nécessaire de comparer les coûts et l’apport de chaque moyen utilisé et ceux d’une démarche intégrée.

La prochaine réunion du groupe WASH se tiendra en 2016. Les sous-groupes organisent éventuellement des réunions intermédiaires.

Quels financements pour mener à bien ces 20 pistes de travail ?

Sur les 20 projets, onze ne nécessitent pas de financement et neuf en ont besoin. L’enjeu actuel est de financer les neuf sujets qui nécessitent des fonds.

La préparation et l’animation de la réunion de New York ont été prises en charge par la fondation Veolia, l’Unicef ayant mis à disposition des locaux. Les experts ont payé leur frais et leurs voyages.

Quels sont les axes de travail de la GTFCC dans son ensemble ?

Tous les groupes de travail se sont réunis à Genève les 15 et 16 juin 2015. La réunion était structurée autour de quatre thèmes principaux :

  • Définir où et quand les campagnes de vaccination contre le choléra devraient être menées ;
  • Subvenir aux besoins en équipements de détection du choléra sur le terrain ;
  • Établir un glossaire du choléra avec des termes techniques accessibles au grand public, ainsi que des procédures pour définir et décrire les moyens de prévention du choléra ;
  • Enfin, un thème plaidoyer : le besoin d’intégrer les diverses démarches de prévention du choléra, telles que l’accompagnement des patients, les vaccins afin de construire une résistance communautaire contre la maladie, ou enfin les procédures du WASH.

Quel est le lien de la Global Task Force avec le GAAC ?

Le GAAC (Global Alliance Against Cholera) a été établi en 2010 : c’est un organe de plaidoyer, non opérationnel, pour mettre en place la démarche WASH. Plusieurs membres du GAAC ont été invités dans la Global Task Force. GAAC et GTFCC sont amenés à se nourrir l’un l’autre.